L’aéroport de Pol Pot

L’ancien aéroport des Khmers-Rouges, un site autrefois secret, se trouve près de Kampong Chhnang et du lac Tonle Sap, blotti dans une vallée verdoyante encadrée par les contreforts des Cardamomes à l'ouest et le village de Patlang, dans le district de Rolea P’ier. Faisant partie du District 20, Secteur 31, Zone Ouest (Zone 401) pendant la période khmère rouge, l'aéroport couvre 300 hectares et comprend deux pistes de 2400 mètres chacune, des douves, une tour de contrôle, des bâtiments administratifs, des routes cimentées et une carrière. À proximité, on trouve l’ancien camp des prisonniers, des citernes mystérieuses et un réseau de prisons-tunnels.

Lancé en 1976 et supervisé par la Division 502 avec l'aide d'ingénieurs chinois, le projet colossal a été abandonné en 1979 lors de l’arrivée de l’armée vietnamienne. Entre 1977 et 1979, il a servi de camp de la mort dans le cadre des purges de l’Armée révolutionnaire du Kampuchéa Démocratique, avec des estimations de victimes variant entre 10 000 et 350 000.

Pol Pot voyait dans la construction de cet aéroport un élément clé de sa stratégie de défense, organisant souvent des réunions secrètes dans une grotte à proximité. Aujourd'hui, le site est une zone militaire fermée. Bien que son immense piste en béton soit laissée à l’abandon, seuls quelques soldats occasionnels s’y trouvent pour des tâches de maintenance. L'aéroport, immergé dans une plaine idyllique de cocoteraies et de rizières, est un des Killing Fields méconnus du Cambodge.

La construction, réalisée principalement à la main avec peu de machines, impliquait de pomper d’importantes quantités d’eau du Tonlé Sap vers un réservoir montagneux, puis de la rediriger vers le chantier pour produire des millions de mètres cubes de ciment. La roche, obtenue au prix de nombreuses vies, était utilisée pour créer un lit de gravier, tandis que le ciment était transporté par une voie ferrée spécialement construite de Kampot à l’aéroport. Malgré l'abandon, les traces de ce gigantesque exploit d'ingénierie sont encore visibles mais en déclin.